Aristide Cavaillé-Coll
voit le jour à Montpellier en 1811.
Il
appartient à une famille dont les ancêtres tisserands s'étaient
installés à Gaillac, dans le Tarn, vers 1700.
Son père Dominique Cavaillé-Coll est facteur d'orgue comme
l'ont été son grand père Jean-Pierre Cavaillé.
(qui épousera en 1767 Maria-Francesca Coll, mariage qui sera à
l'origine du patronyme composé "Cavaillé-Coll"
selon la tradition espagnole)
Un de ses arrières grand-oncle, Joseph Cavaillé, fut également
facteur d'orgues et travailla auprès du facteur Isnard.
Dominique
Cavaillé-Coll avait épousé Jeanne Autard en 1810.
De cet amour était déjà né en 1808 son frère
Vincent.
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Dominique
Cavaillé-Coll
(1771 - 1862)
le père de Vincent et d'Aristide.
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1815 : Fin du Ier
Empire, début de la Restauration : Louis XVIII puis Charles X,
rois de France.
La
famille Cavaillé-Coll se fixe à Toulouse en 1827. Cette
ville va offrir à Vincent et Aristide un enseignement scolaire
mieux structuré.
Jusque-là les deux enfants et leur mère suivaient leur père,
tantôt en France, tantôt en Espagne, au gré des différents
chantiers.
Après leurs études, les deux fils suivent les pas de leur
père et apprennent avec lui la facture d'orgue.
En
1829 les Cavaillé-Coll inventent un instrument au nom original
: le Poïkilorgue encore appelé : «
Orgue varié expressif ».
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Un poïkilorgue
réalisé par les ateliers Cavaillé-Coll
et Fils.
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Il
s'agit d’un ancêtre de l'harmonium (dont le créateur
Alexandre Debain ne déposera le brevet qu’en 1842).
Le poïkilorgue est un instrument à vent, alimenté par
deux soufflets que le musicien actionne avec les pieds à l'aide
de pédales.
Il est doté d'un clavier de 54 notes et le son est produit par
la vibration d'anches libres ce qui permet une grande expression sonore
suivant la force du vent qui traverse les anches. (En grec poïkilos
signifie varié, changeant).
Entre
1829 et 1831 Dominique Cavaillé-Coll reconstruit l'orgue de la
collégiale de Saint-Gaudens, détruit à la Révolution.
1830
: Révolution des "Trois Glorieuses" : fin de la Restauration.
Début de la Monarchie de Juillet, Louis-Philippe, roi des Français.
Rossini,
de passage à Toulouse en 1832, se rendra chez les Cavaillé-Coll
pour essayer des poïkilorgues et leur suggérera de «
monter » à Paris.
En 1833 Aristide se fait remarquer par l'Académie des Sciences,
Inscriptions et Belles Lettres, pour l'invention d'une première
scie circulaire.
Les affaires n’étant pas fameuses dans le midi de la France,
la famille décide de suivre la recommandation de Rossini.
Le
voyage s'organise et, munis de lettres d'introduction auprès de
personnes éminentes, les Cavaillé-Coll arrivent à
Paris et logent quai Voltaire.
Aristide prend rapidement connaissance de l’appel d’offre
lancé par le Ministère des Travaux Publics
pour la construction d’un Grand Orgue neuf à l’Abbatiale
de Saint-Denis.
Il rédige aussitôt son projet, le présente et emporte
le marché face à quatre concurrents dont la réputation
est pourtant bien établie :
John Abbey, Louis Callinet, Louis-Paul Dallery et Pierre Erard.
Peu
après Aristide achète une scie circulaire "Aux
Forges de Vulcain", une maison spécialisée dans
les outillages.
Il la perfectionne pour l'usage qu'il veut en avoir afin d'accélérer
la fabrication des poïkilorgues.
Cette réalisation sera saluée par la Société
d'Encouragement à l'Industrie Nationale (S.E.I.N.)
qui compte parmi ses membres des scientifiques de renom, des hauts-fonctionnaires
et des personnalités influentes.
Toutes ces relations nouées au fil des années auront leur
part dans l'ascension d'Aristide Cavaillé-Coll
que son génie seul n'aurait pu hisser au sommet de son art.
Les
travaux à Saint-Denis débutent en Janvier 1834 mais, à
la suite de nombreux problèmes à résoudre,
l'inauguration n'aura lieu qu'en Septembre 1841.

Le
buffet néo-gothique de
la cathédrale de Saint-Denis
dessiné par François Debret (1777-1850)
Architecte-en-Chef de la basilique.
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Plaque
de fabrique
apposée au dessus des claviers.
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Cette réalisation sera pour Aristide Cavaillé-Coll une consécration
qui lui ouvrira les portes de la notoriété et du succès.
Il y a dans ce premier instrument tout ce qui fera le génie de
son créateur : un souci de synthèse avec l'œuvre de
ses prédécesseurs,
une accumulation de découvertes mécaniques et pneumatiques
(première utilisation de la machine Barker)
et surtout la qualité étonnante de la réalisation
matérielle.
Avec chaque instrument Cavaillé-Coll apparaîtra comme un
novateur, il confirmera chantier après chantier sa compétence
et son savoir-faire exceptionnel qui feront de lui le plus grand facteur
d'orgues français du XIXème siècle.
En
1834 les Cavaillé-Coll s'installent dans de nouveaux ateliers.
L' un rue de Laval et l'autre rue Notre-Dame-de-Lorette où sont
confectionnés les Poïkilorgues .

Aristide Cavaillé-Coll
vers 1836
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Fin
1842 ils sont à la recherche de locaux plus spacieux pour pouvoir
développer leur entreprise.
Il déménagent alors dans un immeuble à l’angle
des rues Pigalle et La Rochefoucault.
1848 : Révolution de Février, chute de la Monarchie de Juillet.
Début de la Seconde République : Louis-Napoléon Bonaparte,
président de la République.
Décembre 1852
: Début du Second Empire.
Napoléon III, empereur des Français.
En
février 1854 Aristide Cavaillé-Coll épouse Adèle
Blanc (1828-1868). Dans sa courte vie, Adèle lui donnera 7 enfants
dont 4 seulement survivront.
En avril les ateliers doivent à nouveau déménager
et partir de l’autre côté de la Seine, rue de Vaugirard,
car les locaux de la rue Pigale ont été mis en vente et
les Cavaillé-Coll n'ont pas eu les moyens financiers pour les racheter.
La fin de l'année 1854 voit la naissance de leur premier enfant,
Cécile (1854-1944) qui restera auprès de son père
toute sa vie durant.
En 1856 naissance de Pierre (1856-1859), décédé à
3 ans de laryngite suffocante.
En 1858 naissance d’Isabelle (1858-1859), morte à 8 mois
de la même maladie.
En 1860 naissance d’Emmanuel (1860-1922) qui sera décorateur
et professeur d’arts décoratifs.
En 1862 naissance de Joseph (1862-1884) mort de maladie pendant son service
militaire au Tonkin.
La même année 1862 voit le décès de son père
Dominique à 91 ans.
En 1864 naissance de Gabriel (1864-1916) qui sera un temps facteur d’orgues
puis partira en Espagne comme ingénieur dans les mines de charbon.

Aristide Cavaillé-Coll
vers 1855 |
Le
10 octobre 1868 Cavaillé-Coll achète un terrain Avenue du
Maine.
Il y fait édifier un hôtel particulier, témoignage
de sa réussite, ainsi que de nouveaux ateliers dont un grand hall
d’exposition.
Le 20 octobre sa femme Adèle meurt, au lendemain de la naissance
de leur septième enfant, né sans vie.
En
janvier et février 1870 se déroulent les tractations entre
Cavaillé-Coll
et le Conseil de Fabrique de l'église de Bagnères-de-Luchon
pour l'achat un nouvel instrument.
Le 19 juillet
la France déclare la guerre à la Prusse : mécaniciens,
harmonistes et ouvriers sont mobilisés. Le travail s’arrête.
Le 30 juillet, inauguration de l'orgue de Luchon par Ignace Leybach, titulaire
du Cavaillé-Coll (1852) de la cathédrale de Toulouse qui
déclarera :
« Les instruments de Monsieur Cavaillé-Coll sont de véritables
chef-d’œuvre qui ne laissent rien à désirer ».
Le 4 septembre 1870 : chute du Second Empire, proclamation de la Troisième
République.
Début du siège de Paris. Adolphe Thiers premier président
de la Troisème République.
Dans une capitale assiègée et de plus en plus affamée,
l’hiver 1870-1871 est extrêmement rigoureux.
Aristide doit se résoudre à brûler son beau bois sans
nœuds pour se chauffer.
Dans les ateliers déserts, sont logés une centaine de gardes
mobiles.

A. Cavaillé-Coll vers
1875 |
Après
la guerre, le travail reprend et les commandes sont à nouveau nombreuses
mais la situation financière de l’entreprise est toujours
en équilibre précaire.
Sept emprunts pour un total de 700.000 francs seront nécessaires
à Cavaillé-Coll pour stabiliser son entreprise entre 1869
et 1887.
Il faut en effet approvisionner régulièrement les stocks
en bois et en métaux,
payer un personnel nombreux et bien souvent livrer au plus juste prix
des instruments remarquables.
La renommée de la maison Cavaillé-Coll est certes bien établie,
Aristide reçoit pour le fruit de son génie et de son travail
acharné de nombreuses récompenses, médailles et décorations,
mais tout cela se fait au prix d’une course perpétuelle à
l’emprunt et au crédit.

Plus
de 500 instruments sortiront de la manufacture Cavailllé-Coll et
se trouveront répartis à travers le monde entier.
Pour la seule ville de Paris on en dénombre 55. Il y en a plus
de 300 dans les diverses cathédrales ou églises de France.
La liste des autres pays qui accueillent des Cavaillé-Coll semble
sans fin :
Angleterre, Belgique, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie,
Costa-Rica, Cuba, Danemark,
Espagne, Etats-Unis, Haïti, Hollande, Inde, Indochine, Italie, Mexique,
Pérou, Portugal, Roumanie, Suisse.
Son
frère Vincent meurt en 1886 à l'âge de 78 ans.
En
1892 les emprunts sont devenus trop lourds à rembourser et la liquidation
judiciaire est inévitable à court terme.
En 1893 Aristide et sa fille Cécile doivent quitter leur hôtel
particulier qui est frappé d’adjudication.
Ils vont se reloger dans un petit appartement rue du Vieux-Colombier.
La liquidation judiciaire suit mais Cavaillé-Coll obtient de ses
créanciers un répit pour lui permettre d’organiser
sa succession.
Celle-ci sera assurée par Charles Mutin (1861-1931), un ancien
de la maison entré comme apprenti en 1875 et installé à
Caen depuis dix ans.
Avec lui travaillent beaucoup d'anciens employés que la Manufacture
Cavaillé-Coll n'a pas pu garder.
Mutin réunit les fonds nécessaires et reprend l'entreprise
en juin 1898 sous le nom : Mutin Cavaillé-Coll.

Charles MUTIN
1861 - 1931
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Aristide
Cavaillé-Coll meurt paisiblement dans son appartement parisien,
aux côtés de sa fille Cécile,
au matin du vendredi 13 octobre 1899. Il avait 88 ans.
Il est inhumé dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse,
à Paris. |